Ouidah - La Route des esclaves

Ouidah, ville négrière.

Ouidah est une ville côtière à 40 km à l’ouest de Cotonou. Elle était la dernière étape des futurs esclaves en partance, « raflés » dans toutes la région d’Abomey plus au Nord (voir cartes du Bénin).

On estime à 2 millions le nombre de captifs qui ont embarqués à Ouidah. En Haïti, à Cuba ou au Brésil, les esclaves du Dahomey (actuel Bénin) ont propagé leur religion du culte Vaudoun dont Ouidah est un des berceaux (voir page Vaudoun et Fâ).
Le « voyage » est poignant, malgré le peu de traces matérielles subsistant de cette déportation.



Avec l’Unesco, un travail commémoratif a été réalisé dans le milieu des années 90.

Des artistes béninois ont notamment créé des sculptures permettant de symboliser chaque lieu traversé par les esclaves avant leur embarquement pour Gorée au Sénégal, les îles du Cap Vert et de là vers le Brésil, les Caraïbes ou l’Amérique du Nord.


Le rôle majeur qu'ont joué les rois d'Abomey dans le trafic du bois d'ébène se manifeste tout au long de la Route des esclaves par des sculptures représentant chacun des douze rois officiels de la dynastie.
 

Le fort portugais construit au XVIIe siècle est devenu le Musée d'histoire de Ouidah

Ironie de l’Histoire, ce sont les documents des négriers au Musée d’histoire de Ouidah qui témoignent le mieux des conditions de départ effroyables des prisonniers. Il expose notamment des reproductions des atlas portugais du XVIIe montrant les files d’hommes, de femmes et même d’enfants enchaînés, des croquis des esclaves parqués littéralement comme des sardines dans les soutes et du positionnement via leurs fers des jeunes femmes et hommes pour faciliter leur utilisation sexuelle durant la traversée. Effroyable. 


13 millions d'esclaves auraient quitté l'Afrique lors de la traite négrière, principalement aux XVII et XVIIIe siècle. 11,32 millions arriveront à destination au moyen de 54 200 traversées au deux tiers réalisées par le Portugal et sa colonie du Brésil.


En italique :  les textes provenant des stèles commémoratives érigées sur place.


La Place des enchères, rebaptisée Place des mille douleurs.

Abomey fut la plaque tournante du trafic d’esclaves qui était selon toute probabilité la source de revenus principal du puissant royaume du Danxomé (voir page à venir Les rois du Dahomey).


 Le roi Ghézo, puissant monarque d’Abomey, a créé cette place. Il y faisait envoyer pêle-mêle ses prisonniers de guerre, les coupables d’adultères et les victimes de razzias destinées à répondre à la demande négrière.

Après plus de 120 kilomètres à pied d’Abomey, les prisonniers y étaient vendus aux enchères et marqués au fer rouge des initiales de leur acheteur. Ils étaient troqués contre des canons, des fusils, de l’alcool et des articles de pacotilles (miroirs, tissus, pipes…).

La Place Chacha. C’est l’autre nom historique de la Place des enchères. Chacha De Souza dont la maison donne sur la place est un personnage historique déterminant de l’histoire de l’esclavage au Bénin.
 De son vrai nom Felix Francisco de Souza, d’origine portugaise et né en 1754 au Brésil, il est l’ami du roi Ghézo qu’il a aidé à porter au pouvoir contre son frère. 

Ghézo le nomma yovogan (chef des blancs), c’est-à-dire son représentant chargé de négocier avec les Anglais, les Français et les Portugais l’échange du bois d’ébène. Il est l’ancêtre de pratiquement tous les Souza du Bénin et du Togo. Il faut dire qu’il eut une cinquantaine d’épouses…




Sur la place, fresques réalisées par des afro-américains descendants d'esclaves.


L’Arbre de l’Oubli.


 

Situé sur la route sortant de la ville, cet arbre a disparu. Il était le lieu de ce rituel propre aux peuples du Danxomé. 
En ce lieu se trouvait l’Arbre de l’Oubli. Les esclaves mâles devaient tourner de lui neuf fois et les femmes sept fois. Ces tours étant accomplis, les esclaves étaient censés devenir amnésiques. Ils oubliaient complétement leur passé, leurs origines et leur identité culturelle pour devenir des êtres sans aucune volonté de réagir ou de se rebeller.

Le monument qui marque l'emplacement de l'Arbre de l'Oubli représente la déesse Mami Wata, déesse mère des eaux.











La case de Zomaï.


Quelques centaines de mètres plus loin, se trouvait dans un village la case de Zomaï.

Un mémorial du souvenir l’a remplacé. En fait il y avait plusieurs cases, les prisonniers y étaient parqués dans l’obscurité et des conditions effroyables en attendant l’arrivée des bateaux.

« Zomaï » signifie que le feu ou la lumière ne s’y hasarde point. En effet en cet endroit se trouvait une grande case hermétiquement close où les esclaves étaient enfermés dès leur arrivée à Zoungbodji et d’où ils ne sortaient que pour être transférés vers l’arbre du retour.


Cette séquestration absolue désorientait totalement les esclaves et rendait extrêmement difficile toute tentative de fuite ou de rébellion. Ce séjour ici les conditionnait pour la vie de promiscuité et d’obscurité des cales des négriers.






Le monument représente les différentes ethnies dont les captifs étaient issus. Les Yorubas (visage avec les trois scarifications horizontales sur les joues) étaient appréciés des négriers car « dodus » alors que les Peuls étaient réputés peu solides…


Les visages de profil levés vers le ciel au sommet de la sculpture symbolisent l’interrogation du prisonnier face à l’inconnu de son avenir.












Le Mémorial de Zoungbodji, le cimetière des esclaves.
On jetait ici dans une grande fosse commune les corps des prisonniers qui succombaient dans les cases de Zomaï. Sous l'égide de l'Unesco, une fouille archéologique en 1992 a mis au jour beaucoup d'ossements et des chaînes, des fers…. exposés maintenant au musée de Ouidah.
Les ossements trouvés ont été enterré de nouveau sous la dalle, sur 4 à 10 mètres de profondeur.











   
  
L’interdiction ou la condamnation au niveau mondial de la traite des êtres humains ont précédé d’un siècle l’abolition de l’esclavage, effective dans la plupart des pays occidentaux qu’à la toute fin du XIXe siècle.



L’Arbre du Retour.
En sortant de Zomaï les esclaves devaient faire trois fois le tour de cet arbre. Cette cérémonie signifiait que le souffle des esclaves reviendrait ici après leur mort. Le retour dont il est question ici n’est donc pas physique mais mystique.



  Les esclaves étaient amenés à l’Arbre du retour lorsque le navire était annoncé et qu’ils étaient sortis de la case Zomaï pour être amenés sur la plage. C’est malgré tout un arbre de l’espérance, un point d’adieu final mais la garantie leur disait-on que quoiqu’il arrive, leur âme reviendrait au pays de leurs ancêtres.

Contrairement à l'Arbre de l'oubli, l'Arbre du Retour, un arbre à saucisses, est demeuré depuis le XVIIe siècle. C'est une place sur laquelle s'organise régulièrement des cérémonies « Egungun » (danse des revenants) car " les morts ne sont pas morts ".

La statue symbolise le roi Agadja, un autre roi d’Abomey qui planta l’arbre sur les corps des hommes sacrifiés à cette occasion.




La Porte du Non-Retour.

La plage de Djegbadji était la dernière étape. Des pirogues attendaient les esclaves enchaînés pour les amener aux bateaux que la barre empêchait d’approcher. Certains avalaient du sable ou se jetaient à l’eau pour mourir sur la terre de leurs aïeux. Une fois dans les bateaux ils étaient parqués en « position sardine ». 20% d’entre eux mourraient pendant la traversée.




La Porte du Non-Retour a été érigée en 1992 pour témoigner de ce départ :
Elle symbolise l’étape ultime de la plus grande déportation qu’ait jamais connue l’humanité : LA TRAITE NEGRIERE.
Les esclaves en arrivant sur cette plage de Djegbadji foulaient pour la dernière fois le sol de l’Afrique et s’en allaient sans espoir de retour vers un destin horrible et funeste. C’est ce que symbolise la partie du monument tournée vers la ville de Ouidah. Par contre côté mer, la porte symbolise malgré les souffrances et les douleurs subies le retour du souffle des ancêtres revenus de l’au-delà des mers ainsi que les liens indissolubles qui rattachent la diaspora nègre à la terre africaine.
Le bourreau avait tué une fois en instituant l’holocauste des esclaves noirs. En construisant au nom de la tolérance, de l’écoute mutuelle et de la coexistence pacifique des peuples ce monument, la République du Bénin et l’Unesco ont voulu instituer la mémoire afin d’empêcher l’amnésie historique de s’installer et le silence de tuer une seconde fois les dizaines de millions d’esclaves qui par leur sang et leur sueur ont enrichi les initiateurs et les destinataires du commerce triangulaire du bois d’ébène.


Mémorial Zomatchi ou « La case de la réconciliation ».

Au Bénin et précisément à Ouidah, le concept du retour est très fort. Ceux que l’on appelle encore les « Brésiliens », des esclaves affranchis revenus sur en Afrique dès le XVIIIe siècle, constituent une forte communauté.
Pour symboliser ce retour et cette réconciliation avec le passé, les premiers descendants revenus de Haïti et la société civile ont érigé en 1993 une case sur la Route des esclaves qu’ils ont nommé Zomatchi, "la cité de la Diaspora".

Zomatchi, de « Zo » le feu, la lumière et « Matchi » qui signifie « ne s’éteint pas », est un mémorial pour que le passé esclavagiste reste présent à l’esprit des nouvelles générations, dans un esprit d’apaisement et de fraternisation voulus par la Diaspora de retour à ses racines.
 

Le bas-relief retrace toute les étapes de la Route des esclaves et se termine sur les sept sénateurs Noirs Américains et les diverses inventions dues aux Afro-américains.

3 commentaires:

  1. Avons-nous jamais demande pardon aux antillais,guyanais et autres afro-americains pour cet abominable genocide dont nos ancetres furent d'actifs relais ou complices ? C'est par la qu'il faudrait commencer !!! Tout le reste n'est que balivernes.

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