Vaudoun et Fâ


Pour cette page, il a été parfois difficile de trouver des informations fiables complémentaires à nos visites. Il y a beaucoup de documents contradictoires. Les photos sont parfois "tabou", y compris dans les musées et notamment pour les objets sacrés. J’ai donc récupéré quelques visuels sur Internet pour le Fâ.

Zones d'origines du vaudoun.
Histoire du vaudou
Le vaudou (ou vaudoun) est une religion originaire de l'ancien royaume du Dahomey (sud-ouest de l’actuel Bénin),  né de la rencontre des cultes traditionnels des dieux yoruba et des divinités fon et ewe aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il est toujours largement répandu au Bénin et au Togo.
Vaudou (que l'on prononce ‘vodoune’) est l'adaptation par le fon d'un mot yoruba signifiant « dieu ».

Le vaudou désigne l'ensemble des dieux ou des forces invisibles dont les hommes essaient de se concilier la puissance ou la bienveillance mais aussi l'ensemble des procédures permettant d'entrer en relation avec eux.
À partir du XVIIe siècle, les noirs originaires de cette région d'Afrique réduits en esclavage répandirent le culte vaudou aux Caraïbes et en Amérique. On le retrouve donc sous différentes formes à Cuba, en Haïti, au Brésil ou encore aux États-Unis, en Louisiane surtout.

Le vaudou « exporté » aux Amériques est sans mauvais jeu de mot, beaucoup plus « noir » que le vaudoun africain, avec notamment  la croyance aux morts vivants (zombies) et à la possibilité de leur création artificielle, ainsi que la pratique de la sorcellerie sur des poupées à épingles.
La cruauté du sort des esclaves est sans doute à l'origine de cette utilisation vengeresse du vaudou, en réponse aux brutalités subies. Hollywood a ensuite largement diffusé cette image négative et guerrière du vaudou.

Le culte vaudou compte environ 50 millions de pratiquants dans le monde.

Temple vaudoun à Abomey. Photo prise de loin car le site est tabou.

Syncrétisme africain
Si une grande partie des africains sont aujourd'hui musulmans ou chrétiens, leur islam ou leur christianisme reste très influencé par la religion d'origine. Cependant celle-ci est maintenant de plus en plus perçue de façon péjorative comme de la sorcellerie ou de simples croyances.

Au Bénin, le culte vaudoun reste quand même très fortement ancré.
Au Nord on parle plutôt de culte des « fétiches » mais partout, beaucoup d'aléas sont expliqués -y compris chez des citoyens très éduqués- par des interventions des esprits.

Nous avons eu deux exemples directs d’un haut fonctionnaire et d’un universitaire qui pour le premier expliquait un naufrage par l’action d’un ancêtre en colère transformé en hippopotame et pour le second (par ailleurs catholique pratiquant) le refoulement d’un cousin aux frontières par la magie d’une tante mal intentionnée qui à distance remplaçait la photo du passeport de l’intéressé par la sienne…

Un temple vaudoun dans un village de pêcheurs (Sud Ouest du Bénin).

A l’opposé, la secte des « chrétiens célestes » qui compte dix millions d’adeptes au Bénin, au Ghana, au Togo et au Nigéria, s’est donné pour mission de combattre le mal dont le vaudoun est une forme. Tout de blancs vêtus, ils chassent les forces du mal et se soignent  à l’eau bénite. Le culte des ancêtres leur est interdit.


Le vaudou, une religion monothéiste
La plupart des religions africaines traditionnelles reposent sur la croyance en un seul Dieu. Cet Être suprême créateur du monde n’est pas  l’objet d’un culte car Il est considéré comme d'essence trop pure pour interférer dans les affaires humaines. Il ne se soucie de l'être qu'une fois que celui-ci a rejoint le monde vaudoun où tout est beau : le paradis (ça vous rappelle quelque chose ?).

Dans le culte vaudou Il s’appelle entre autre Legbo Lissa, Gbedoto ou Mawu-Lisa (un couple fondateur chez les fon). Toute invocation de vaudoun est clôturée par l’invocation du Dieu créateur de l’univers.

Au quotidien, le croyant africain se tourne donc vers toute une série d’êtres spirituels qui agissent en médiateurs entre l’Être suprême et les humains.
Il existe deux sortes d’esprits : ceux qui ne sont pas d’origine humaine et ceux qui, après avoir été des humains, sont devenus des « esprits ancestraux ».

Site moderne du vaudoun au bord du fleuve Mono (Sud Ouest du Bénin)

Les esprits des ancêtres
La mort ne transforme pas automatiquement un parent en ancêtre.
Des rites précis sont nécessaires avec notamment des « doubles funérailles » car on s’attend à ce que dans un premier temps l’esprit du défunt soit mal disposé envers les vivants, jusqu’à ce que de secondes funérailles, avec toute une série d’offrandes et de prières collectives, le réconcilie avec sa famille et l’aide à accepter son nouvel état spirituel.
Les liens entre les vivants et les morts sont donc très forts. Il faut respecter les morts et les honorer au moyen d’offrandes de diverses natures. Ils gardent une ferme emprise sur la structure familiale et on redoute de provoquer leur colère. Les ancêtres représentent le lien le plus immédiat entre les vivants et le monde spirituel, ils sont en mesure de garantir la prospérité, la santé et la fécondité de leurs descendants.

D’autres esprits sont identifiés avec des phénomènes naturels, comme l’esprit du tonnerre, l’esprit du vent, l’esprit de la tempête, de la pluie, etc. Pour la spiritualité africaine, dans chaque élément de la création se trouve la parcelle divine, ce qui induit le respect de la nature et des êtres vivants.


Les sacrifices et les offrandes
Jusqu’à l’arrivée des colonisateurs à qui ces pratiques ont fourni un bon argument de christianisation, les sacrifices aux dieux étaient couramment humains. Plusieurs dizaines d’hommes et femmes pouvaient être immolées par un roi pour s’attirer les grâces divines, à l’occasion d’un mariage par exemple.
Actuellement on sacrifie une volaille ou un mouton et les offrandes sont des œufs, de la mangue, de l’huile de palme… toutes libations directement versées sur le vaudoun, ce qui lui donne souvent  un aspect un peu crado :).

Un vaudoun, luisant d' l'huile de palme.

Les divinités vaudoun 
Ce qui surprend d’abord le non initié, c’est la forme des divinités : Les vaudouns sont incarnés le plus souvent dans des pots en argile cuite. Un vaudoun peut également être en bois, habiter une pierre ou un amas de pierres, ou un amalgame de ferraille comme le dieu Ogoun (voir plus bas).
Deuxième étonnement pour nous, il ne s’agit pas d’une représentation de la divinité mais le dieu EST dans la matière assemblée.
Il existe un nombre infinis de divinités vaudouns : les divinités principales, secondaires, locales, claniques, etc.

LEGBA
Il est classé au premier rang du vaudoun. C’est le plus facile à reconnaître, un amas de terre (souvent) et un phallus dressé (toujours). C’est le symbole de la virilité masculine et de la procréation, car un homme impuissant n’en est pas un : on dit qu’il n’est pas vivant.

Vaudoun Legba avec des yeux en cauris et des offrandes autour du cou.

Legba maintient l’ordre public, assure une protection et reçoit en contrepartie des offrandes. Pour cela on le trouve souvent à l’angle d’une rue ou devant une porte.
On distingue plusieurs sortes de Legba : To-Legba appartient à un village ou quartier, Houn-Legba à un temple, et même à un roi comme Houndosso-Legba appartenant au roi Agonglo (1789-1797).

Offrandes à To-Legba dans une rue d'Abomey (avec l'autorisation des officiantes). Legba est ici un petit tas d'argile, d'où le toit en prévision des pluies.


Houndosso-Legba, fort viril et dégoulinant d'offrandes, à Abomey.


MINON-NAN ou NAN
Minon veut dire «notre mère» et nan est le nom commun qui désigne toute femme chez les Fon. Cette divinité est vénérée dans une forme un peu circulaire et creusée symbolisant le sexe féminin. Nan est le dieu qui engendre la maternité, donne la vie. Elle est le pendant féminin du dieu masculin Legba.


Autel de Nan à Abomey.


OGOUN
Le dieu des forgerons très répandu, prend la forme d’un amalgame de pièces de ferraille (avec des pignons de vélo soudés par exemple). Il est aussi associé aux armes à feu et aux pouvoirs techniques.

autel d'Ogoun, à Ouidah.

HOHO
Hoho (prononcé « Roro », avec le son « r » de la jota espagnole) est à la fois le nom commun désignant  les jumeaux et le nom de la divinité qui leur est dédiée.
Les jumeaux sont sacrés au Bénin. Autrefois, une femme qui avait eu trois fois des jumeaux (quand même !) n’avait plus à s’incliner devant le roi.
Si l’un des deux disparaît, son jumeau garde toute sa vie une poupée-statuette symbolisant son double. Cette poupée sera tous les jours habillée, couchée, passera à table… avec le reste de la famille. Cela n’existe pas pour les autres enfants décédés.

Autel de Hoho à Abomey

Les poteries en formes classiques "en bol" représente les hohos nés de façon "classique", ceux en forme de "pipe" les jumeaux nés par le siège :



ZOMADONOU
Zomadonou est un dieu encore plus curieux, qui incarne l’esprit des enfants mal formés dans les familles royales. Ce culte leur est consacré depuis le règne du Roi Tegbesou (1742 – 1774). Ces enfants servent d’intermédiaire entre le monde visible et invisible.


DAN
Pour les fon, Dan désigne le serpent et plus particulièrement le python, un animal sacré que l’on ne doit pas tuer. Dan le Dieu-python a assisté à la Création et soutient l'univers. Il assure la prospérité. Son culte est surtout répandu à Ouidah et dans sa région au Sud-Ouest du Bénin.

Les pythons sacrés du Temple des pythons à Ouidah.

Les natif de Ouidah, comme Eric notre guide qui m'a permis de prendre cette photo, portent traditionnellement ces scarifications (deux traits parallèles et verticaux sur le front, les joues et le menton) qui symbolisent le masque du python.



Autel de Dan Obègnon à Bohicon (Sud-Ouest du Bénin) :

Le dieu Dan est incarné dans ce pot en terre cuite plutôt discret.

L'autel n'est pas placé par hasard au pied de cet immense arbre auquel se mêle les lianes d'un ficus. Lorsqu'un ficus s'enroule ainsi à un arbre, ils peuvent "co-habiter" plusieurs dizaines d'années mais l'un des deux mourra. C'est ce combat végétal titanesque qui fait de cet endroit un site sacré d'affrontement des forces naturelles :



Fétiches du Nord
Au Nord au pays Somba, ces pots en terre sont des demeures pour les esprits. L’oncle de notre guide nous explique que les esprits n’y sont pas en permanence mais «partent le matin et rentrent le soir ». On peut aussi lors de rites d’invocation vérifier leur présence en passant une volaille au-dessus de la jarre : si l’esprit est là elle meure instantanément.

Fétiches au pays Somba (Nord-Ouest du Bénin). Voir page Les Tata Somba.


Le Fâ, divinité et science divinatoire

Le système de divination Fâ a été ajouté en 2005 par l'Unesco àsa liste des «chefs-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité». Venu d’Ifé au Nigéria et d'origine Yoruba, le Fâ a atteint le Bénin vers le XVIIème siècle.
Le Fâ est à la fois une divinité et une science présidant au destin de l’homme.

La divinité, «Fa» (esprit) constitue avec le «Legba» (homme portant/viril) et « Minon Nan » (femme féconde)  le troisième élément de la Trinité vodoun. «Fa» est donc l’esprit qui permet de conduit l’initié au monde caché vodoun. 

La science divinatoire Fâ permet d’en savoir plus sur tous les actes de la vie : grossesses, mariages, problèmes sociaux, diagnostics médicaux, actes de justices, raisons d'un décès…

Représentation d'une séance de divination au pied d'un colatier (au Jardin des Plantes et de la Nature de Porto-Novo).

L'oracle Fâ va déterminer quelle entité vodoun est «compétente» dans un cas précis et quelles actions de consultations et/ou d’offrandes il faut entreprendre auprès d’elle pour obtenir une réponse ou un résultat.

Cette pratique est toujours très courante au Bénin. L'officiant (bokonon) utilise des cauris ou des noix de colatier, arbre sacré. Les éléments sont soit libres soit reliés en chapelet divinatoire et jetés au cours de la consultation dans un plateau de cérémonie.



Le bokonon  interprète la positions prise par les éléments selon un « langage » extrêmement élaboré fait de 256 signes associés, dont 16 signes principaux. Les signes sont organisés par paires (mèji), ce qui symbolise l'équilibre et la stabilité du système.

Quelques exemples de signes de Fâ et de leurs significations principales.

Le Fâ est certe une géomancie, une technique divinatoire, mais elle est envisagée plus largement comme une voie de connaissance, une doctrine initiatique.

Offrandes avant une consultation Fâ dans une rue d'Abomey.


Le Kolatier géant : l'arbre du Fâ
Le Kolatier (ou Colatier) géant est un arbre sacré, on lui prête aussi de nombreuses vertus médicinales. C'est le siège de consultation du Fâ. Ce spécimen à Porto-Novo, sur le site d'une ancienne forêt sacrée, a aussi été l'arbre à palabres du Roi avec ses ministres :

Colatier géant au Jardin des Plantes et de la Nature (Porto-Novo).

En dehors de son gigantisme (il peut atteindre 35 mètres) et des vertus médicinales de ses noix, peut-être est-ce les formes tourmentées que prennent les racines du colatier qui lui ont donné cette importance sacrée : on peut y voir un crocodile, un serpent, une femme et son bébé sur le dos... Ces "figures" jouent un rôle dans les consultations du Fâ.

On peut voir un crocodile dans cette racine.



Avril 2016. Un témoignage.
 
J’ajoute ci-dessous le témoignage d’un lecteur de ce blog, cela m’a fait très plaisir qu’il prenne la peine de m’écrire et son apport est très intéressant. Merci Tété !

J'ai eu le privilège de tomber sur votre blog et je trouve que l'initiative est très belle. Je ne peux que vous remercier pour toute l'attention que vous portez à ce continent plein de ressources. 
La partie qui m'a le plus touché est celle dont vous parlez du vodou et du Fa.

Etant moi-même adepte du vodou et pratiquant de la science divinatoire, j'ai remarqué qu'il y a quelques petites transformations ou cela se peut que ceux qui t'ont transmis les informations ne l’aient pas fait correctement.

La plupart des gens pensent que le vodou est une religion alors que non. C'est une connaissance de la nature au service des initiés et qu'ils utilisent afin d'accompagner les novices que nous sommes sur cette terre (Tout cela se résume juste à l'expérimentation). 

On ne pourra pas parler de vodou sans parler des 4 éléments qui régissent ce monde (Terre, Eau, Air et Feu) et ces 4 éléments se retrouvent dans le Fa afin que l'équilibre soit respecté. Il y a une Divinité principale qui gouverne ces 4 éléments ensuite vient les sous-divinités.

Dans le Fa on a 16 maisons mères qui se divisent en 4 (Chaque élément possède 4 maisons). Ces 16 maisons peuvent se combiner entre elles qui nous donne 256 maisons dans le Fa qui peuvent se révéler en 2(en bien ou en mal) qui nous fait 512 possibilités. Les 16 maisons principales et ces 240 sous maisons nous donnent au minimum (au minimum je dis) 5 manières de voir les choses ce qui fait 1280 possibilités. 

Bref pour dire que c'est un monde très vaste et qui n'est en aucun cas une religion même si certains le pensent. C'est une grande connaissance. Seuls les boccons sont devins et manipulent le Fa.

Sans Legba le Fa ne serait rien. Legba est le messager. Le Fa parle à travers Legba. Chaque devin a un Legba. Legba est porteur de nouvelles qu’elles soient bonnes ou mauvaises. C'est par lui que les offrandes passent aussi pour arriver aux divinités. Seul Legba parle le langage des hommes et des dieux. Ainsi Les divinités passent par Legba. 

Mais Legba a un vice, c'est de se transformer en humain des fois et de coucher avec les filles puisqu'il est le seul à pouvoir être dans les 2 mondes ou à avoir le pouvoir d'être dans le monde visible et invisible. C'est de là que vient les prières et les chants à Legba afin de s'attirer toute cette virilité dont il dispose lollll. Legba est toujours devant les maisons ou carrément à l'entrée des villages parce que c'est un messager. 

C'est tellement vaste ce monde qu'on ne peut le résumer. Mais le Vodou vient du Nigeria et non originaire du Bénin. En plus il y a 4 sortes de Fa.

En gros c'est la pierre que je peux apporter à votre édifice.
Merci et bonne continuation dans votre recherche.

2 commentaires:

  1. le Legba n'est pas que messager. Il est aussi un agent de sécurité. Il assure la sécurité des personnes ou village détentrices.

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